J'avais tout juste dix
ans lorsque, bravant ma timidité maladive, je posai cette question. Le
professeur de sciences se retourna, l'air abattu, haussa les épaules et
continua de recopier le devoir du jour sur le tableau noir, comme si je
n'avais pas existé. Je baissai la tête vers mon pupitre d'écolier,
feignant d'ignorer les regards cruels et moqueurs de mes camarades qui
n'étaient pourtant pas plus instruits que moi sur la question. Où
commence l'aube ? Où s'achève le jour ? Pourquoi des millions d'étoiles
illuminent-elles la voûte céleste sans que nous ne puissions voir ou
connaître les mondes auxquels elles appartiennent ? Comment tout a
commencé ? Chaque nuit, au cours de mon enfance, aussitôt mes
parents endormis, je me relevais pour aller à pas de loup jusqu'à la
fenêtre, je collais mon visage aux persiennes et scrutais le ciel.
Je m'appelle Adrianos, mais voilà longtemps que l'on m'appelle Adrian,
sauf dans le village où ma mère est née. Je suis astrophysicien,
spécialiste des étoiles extrasolaires. Mon bureau se situe à Gower
Court, dans l'enceinte de la London University, département d'astronomie
; mais je n'y suis presque jamais. La Terre est ronde, l'espace courbe
et, pour tenter de percer les mystères de l'Univers, il faut aimer se
déplacer, parcourir sans cesse la planète, vers les contrées les plus
désertes, à la recherche du meilleur point d'observation, de l'obscurité
totale, loin des grandes villes. J'imagine que ce qui me poussait
depuis tant d'années à renoncer à vivre comme la plupart des gens, avec
maison, femme et enfants, était l'espoir de trouver un jour une réponse à
la question qui n'a jamais cessé d'occuper mes rêves : Où commence
l'aube ? Si j'entame aujourd'hui la rédaction de ce journal, c'est
avec un autre espoir, celui que quelqu'un trouve un jour ces pages et,
avec elles, le courage d'en raconter l'histoire. L'humilité la plus
sincère pour un scientifique est d'accepter que rien n'est impossible.
Je comprends aujourd'hui combien j'étais loin de cette humilité jusqu'au
soir où je rencontrai Keira. Ce qu'il m'est arrivé de vivre ces
derniers mois a repoussé à l'infini le champ de mes connaissances et
bouleversé tout ce que je croyais savoir de la naissance du monde.
Description:
- Où commence l'aube ?
J'avais tout juste dix ans lorsque, bravant ma timidité maladive, je posai cette question. Le professeur de sciences se retourna, l'air abattu, haussa les épaules et continua de recopier le devoir du jour sur le tableau noir, comme si je n'avais pas existé. Je baissai la tête vers mon pupitre d'écolier, feignant d'ignorer les regards cruels et moqueurs de mes camarades qui n'étaient pourtant pas plus instruits que moi sur la question. Où commence l'aube ? Où s'achève le jour ? Pourquoi des millions d'étoiles illuminent-elles la voûte céleste sans que nous ne puissions voir ou connaître les mondes auxquels elles appartiennent ? Comment tout a commencé ?
Chaque nuit, au cours de mon enfance, aussitôt mes parents endormis, je me relevais pour aller à pas de loup jusqu'à la fenêtre, je collais mon visage aux persiennes et scrutais le ciel.
Je m'appelle Adrianos, mais voilà longtemps que l'on m'appelle Adrian, sauf dans le village où ma mère est née. Je suis astrophysicien, spécialiste des étoiles extrasolaires. Mon bureau se situe à Gower Court, dans l'enceinte de la London University, département d'astronomie ; mais je n'y suis presque jamais. La Terre est ronde, l'espace courbe et, pour tenter de percer les mystères de l'Univers, il faut aimer se déplacer, parcourir sans cesse la planète, vers les contrées les plus désertes, à la recherche du meilleur point d'observation, de l'obscurité totale, loin des grandes villes. J'imagine que ce qui me poussait depuis tant d'années à renoncer à vivre comme la plupart des gens, avec maison, femme et enfants, était l'espoir de trouver un jour une réponse à la question qui n'a jamais cessé d'occuper mes rêves : Où commence l'aube ?
Si j'entame aujourd'hui la rédaction de ce journal, c'est avec un autre espoir, celui que quelqu'un trouve un jour ces pages et, avec elles, le courage d'en raconter l'histoire.
L'humilité la plus sincère pour un scientifique est d'accepter que rien n'est impossible. Je comprends aujourd'hui combien j'étais loin de cette humilité jusqu'au soir où je rencontrai Keira.
Ce qu'il m'est arrivé de vivre ces derniers mois a repoussé à l'infini le champ de mes connaissances et bouleversé tout ce que je croyais savoir de la naissance du monde.